Marché immobilier: voici les enjeux actuels et à venir

Le dynamisme du marché immobilier en France ne doit pas masquer la déconnexion entre les prix de l’immobilier et les revenus des ménages. La bulle va-t-elle forcément éclater, dans un contexte d’anticipations changeantes de la France et de conditions d’emprunt plus strictes ? Explication.

Chine comme France, fin de la bulle immobilière ?

L’immobilier est scruté par les économistes comme du lait en feu, surtout depuis les grandes difficultés du géant chinois Evergrande. Le promoteur immobilier vient d’effectuer un paiement d’intérêts de dernière minute sur des obligations en dollars. La menace de son effondrement est loin d’être écartée, malgré l’annonce par le groupe du redémarrage de plusieurs chantiers dans le sud du pays.

Après Evergrande, c’est tout un secteur de l’activité économique qui est sous le choc. Plus précisément, les prix des logements neufs ont chuté en Chine pour la première fois en six ans. La méfiance gagne la population, freinant considérablement l’activité et faisant ainsi courir un risque de faillite à plusieurs promoteurs. Ce qui inquiète également les investisseurs en bourse.

Cependant, la transposition du cas chinois à la France n’est évidemment pas pertinente. Pour autant, l’hypothèse d’un dégonflement de la fameuse bulle immobilière en France est sur la table. La question de la soutenabilité de la dette est centrale, surtout si cette dette n’est pas utilisée pour générer de la croissance. Il faut donc être attentif à la capacité des personnes et des entreprises endettées à pouvoir faire face au remboursement de leur emprunt.

Pourtant, les prix de l’immobilier en France poursuivent leur trajectoire haussière, s’écartant de celle des revenus des ménages dont le niveau d’endettement a dépassé la barre symbolique des 100 %. Un réajustement inévitable pourrait entraîner une baisse de 20 % des prix des logements en moyenne. Pour Marc Touati, économiste, président du cabinet ACDEFI, cette baisse « peut aussi être bénéfique dans la mesure où elle permettra à la demande d’être plus solvable et que de nombreux Français pourront acheter leur logement ».

Fuite des grandes villes, un mouvement renforcé par la crise sanitaire

Une récente enquête de la banque UBS, « Global Real Estate Bubble Index 2021 », a analysé l’augmentation des prix de l’immobilier dans 25 grandes villes du monde. Résultat des chiffres corrigés de l’inflation, la hausse est de 6%. Ce score est le plus élevé depuis 2014, mais la capitale française fait partie des quatre exceptions (avec Milan, New York et San Francisco). Cependant, Paris est considérée comme une zone à risque de bulle immobilière, avec une demande toujours très forte par rapport à l’offre, même si la tendance semble s’atténuer.

L’arrière-plan est motivé par l’attrait des faibles taux d’intérêt et des faibles coûts par rapport au crédit-bail. Cependant, les auteurs de l’étude mettent en garde contre l’obligation des ménages d’emprunter de plus en plus pour faire face à la hausse des prix de l’immobilier. Et un accès plus restreint aux prêts hypothécaires pourrait signifier la fin de l’appréciation sur la plupart des marchés.

Les acheteurs cherchent aussi ailleurs. La crise sanitaire et l’effet du télétravail détournent les ménages des grandes agglomérations densément peuplées : « Du coup, au cours des quatre derniers trimestres, pour la première fois depuis le début des années 1990, les prix de l’immobilier en zone non urbaine ont augmenté plus vite que dans les villes ».

Les résidents commencent à prospecter dans les banlieues, les villes satellites et même au-delà. Une étude du site PAP montre un ralentissement des recherches de logements à acheter en France, de l’ordre de -6,5% par rapport à septembre 2019. C’est donc la fin de la frénésie qui devrait générer 1,155 millions de transactions immobilières dans l’ancien, en 2021 , selon les prévisions du Conseil Supérieur du Notariat.

Le retour à la normalité s’accompagne d’une rupture avec la nature des souhaits des Français : -25% de recherches à Paris, contre +21,9% de recherches dans les petites villes et les zones rurales. Les maisons unifamiliales sont au cœur des projets, représentant 63 % des prospections en septembre 2021, contre 59 % deux ans plus tôt. Dans un scénario où le risque d’une bulle immobilière se profile et où les anticipations des ménages évoluent, de nouvelles restrictions apparaissent sur l’octroi de crédits immobiliers.

Nouvelles contraintes sur le crédit immobilier

Bien que les taux d’intérêt des crédits restent attractifs (1,05% en moyenne au troisième trimestre 2021 selon l’Observatoire Crédit Logement/CSA), le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) a décidé de faire évoluer ses recommandations vers les obligations. Les banques doivent respecter un taux d’effort de 35% (participation des mensualités de prêt aux revenus de l’emprunteur) et une durée de crédit maximale de 25 ans, avec des aménagements à porter à 27 ans.

Actuellement, la baisse des taux (inférieurs à l’inflation, qui est de 1,25 %) et l’allongement des prêts (233 mois en moyenne au trimestre précédent) compensent la hausse des prix de l’immobilier. Cependant, le marché immobilier continue de s’apprécier. En imposant des limites, le HCSF restreint l’accès au crédit, ce qui pourrait tarir sa production, contribuant à faire baisser la demande et donc les prix. Pour illustrer ce point, l’Observatoire Crédit Logement/CSA note un ralentissement entre juillet et septembre : 7,8 % de production de crédit en moins, au troisième trimestre, en un an.

Propriétaire-bailleur : gare à la chasse aux passoires énergétiques

Un autre élément pourrait intervenir : la mise sur le marché de filtres énergétiques. En effet, le Diagnostic d’Efficacité Energétique (DPE) qui évalue la consommation énergétique du logement est désormais obligatoire, à partir du 1er juillet 2021. Cependant, le diagnostic ne se réfère plus aux consommations du logement, identifiées par les factures gaz et électricité, mais à la qualité du bâtiment, son isolation et son mode de chauffage. De nombreuses maisons anciennes sont ainsi dégradées, les nouveaux critères dégradent leur cote énergétique.

L’État essaie de forcer les propriétaires à faire des rénovations. En 2025, les logements classés G seront exclus du marché locatif, ce qui inquiète les propriétaires, dont le réflexe est de revendre immédiatement leur bien. En 2028, ce sera au tour des logements classés F et, en 2035, des logements classés E. Le coût de tels travaux pourrait donc se reporter sur le montant des loyers, faisant porter ce fardeau à des locataires déjà bien lestés par le coût de la vie.

Une étude de France Stratégie, publiée en août, montrait que les dépenses pré-engagées (loyers, remboursements de crédits, assurances, abonnements, etc.) étaient passées de 27 % à 32 % des dépenses totales des ménages en France entre 2001 et 2017. Un score qui atteint entre 31% et 41% parmi les plus pauvres. Le logement représentait 70% du total des dépenses pré-engagées, une situation très compliquée où le marché immobilier est cher (région parisienne, centre des agglomérations).

Réhabilitation énergétique des propriétaires, évolution des besoins de logement, octroi de crédits immobiliers plus limités, déconnexion entre le prix du logement et les revenus des ménages, hausse des taux d’intérêt avec l’inflation, politique d’injection de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) : autant de forces en interaction dans un marché immobilier… qui reste porteur.

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