L’euro, en passe de devenir une monnaie refuge

En 2019, le volume de dette en euros des entreprises non européennes a dépassé le volume de dette en dollars des entreprises non américaines. Il s’agit d’une première historique qui laisse penser que l’euro devient une monnaie refuge au même titre que le yen japonais.

Les taux bas attirent les émetteurs étrangers en euros

152 000 millions d’euros, c’est le montant prêté par des entreprises non nationales en 2019. Ce montant est donc supérieur aux 132 000 millions de dollars prêtés sur le marché obligataire par des entreprises internationales hors États-Unis. Cependant, cette singularité ne reflète qu’une tendance de fond déjà examinée par la Banque centrale européenne (BCE) en juin dernier. L’agence note une augmentation de deux points de pourcentage de la collecte réalisée par les financements internationaux en euros.

La principale raison est sans doute l’accentuation puis le maintien de la politique de taux bas par la BCE. En conséquence, les emprunteurs étrangers ont afflué vers l’euro comme solution de financement très attractive. Apple a émis 2 000 millions d’euros de green bonds (obligations vertes pour financer des projets à impact positif sur l’environnement), Coca-Cola 3 500 millions et IBM 4 000 millions. Evidemment, les taux bas ne sont pas le seul levier, les entreprises américaines sont également enclines à se financer en euros pour leurs activités.

L’euro corrélé aux orientations des marchés

Pour George Saravelos, stratège à la Deutsche Bank interrogé par Les Echos, « la zone euro émerge comme fournisseur de liquidités au système financier mondial, remplaçant lentement le rôle que le dollar occupait jusqu’à présent ». Car l’attrait des investisseurs étrangers, des fonds souverains et des banques centrales vers l’euro n’est dû ni à une activité économique encore en berne ni au marché obligataire peu attractif (taux négatifs). Tout simplement, l’euro est moins cher que le dollar.

Le mécanisme est le suivant : les investisseurs non européens empruntent des euros à un prix favorable, puis les revendent pour investir sur d’autres marchés obligataires plus rémunérateurs. Ce circuit confine l’euro comme monnaie refuge. Comme le yen au Japon, son prix suit l’humeur des marchés. Les actions montent et la valeur de l’euro baisse. Les incertitudes s’accumulent et la valeur de l’euro augmente. Quant aux acteurs européens qui exportent aux Etats-Unis, ils préfèrent déposer les dollars récupérés dans des banques américaines car leur rémunération est plus attractive.

Un début d’année qui accrédite la thèse de la devise refuge

La corrélation entre la valeur de l’euro et les marchés s’illustre en ce début d’année 2020. Au cours des deux premières semaines de l’année, le contexte macroéconomique mondial s’est amélioré malgré le conflit entre les États-Unis et l’Iran. Les investisseurs ont salué l’accord commercial sino-américain et des communiqués rassurants sur l’état de l’économie américaine (hausse des ventes au détail en décembre, baisse des inscriptions au chômage, consolidation de l’indice manufacturier de la Fed américaine Philadelphie).

Dans cet environnement favorable pour les marchés, le dollar s’est raffermi face au reste des devises de référence, tandis que l’euro s’est déprécié de 0,7% face au dollar. C’est un élément factuel qu’il faut mettre au crédit de la thèse selon laquelle l’euro devient une monnaie refuge. Notamment parce que l’économie de la zone euro est plutôt amorphe, avec un horizon flou alimenté par une croissance lente en Allemagne, voire en Italie. La Commission européenne estime que la croissance du PIB transalpin sera de 0,4 % en 2020, contre 0,1 % en 2019.

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