L’utilisation de la carte bancaire en zone euro boostée par le paiement sans contact

Le geste barrière, le manque de confiance et le seuil relevé alimentent une tendance déjà palpable en 2019 : le paiement sans contact continue de se développer en France. Si le cash résiste, les paiements mobiles et les virements instantanés gagnent également du terrain. Ce qui n’est pas pour ne pas détester les joueurs numériques.

Les chiffres 2019 des paiements scripturaux en zone euro

La Banque centrale européenne a récemment publié des chiffres actualisés pour 2019 sur les paiements sans espèces. Ces derniers ont augmenté de 8,1% en un an. Les paiements scripturaux représentent 98 milliards d’euros pour une valeur totale de 162,1 milliards d’euros. Les transactions par carte bancaire (CB) constituent 48% de ces paiements contre 23% des virements et 22% des prélèvements. Seuls les chèques, relativement peu utilisés dans la zone euro, semblent avoir vraiment reculé au cours de la dernière décennie.

En 2019, la BCE indique que le nombre de cartes de paiement émises a augmenté de 5,5 %. Ramenés à la population de la zone euro, les 572 millions BC indiquent qu’un habitant possède en moyenne 1,7 cartes. L’institution calcule que le rapport entre les transactions électroniques et celles établies sur papier est de 1 à 13 en faveur des premières. Autre donnée intéressante : le parc de guichets automatiques bancaires (GAB) s’est contracté de 3,5 % pour s’établir à 310 000 unités sur le Vieux Continent. Parallèlement, le nombre de TPE a augmenté de 8,1 % en 2019, soit 11,7 millions de TPE.

Accès à la CB plus facile et essor du paiement sans contact

La crise sanitaire va indéniablement servir d’amplificateur. Les paiements sans contact (dont le plafond est passé de 30 à 50 euros) et les paiements mobiles gagnent du terrain à l’ère de la distanciation sociale et des gestes barrières. Cependant, l’augmentation des paiements par carte bancaire est une tendance qui ne cesse de s’accélérer avec un changement perceptible depuis 2014. Le développement des banques mobiles et des banques en ligne n’est pas étranger à ce mouvement de fond (carte bancaire gratuite parfois sans statut de revenu), tout comme Big L’intérêt de Tech pour l’industrie des paiements. Cela se traduit depuis plusieurs années dans les solutions de paiement mobile (Apple Pay, Google Pay, Samsung Pay) que les acteurs français tentent de concurrencer (Paylib, Lyf Pay).

Cette montée en puissance est moins marquée quand on regarde les déboursements totaux : 2 Md€ par BC sur 162 Md€ au total. Ce chiffre s’explique par la relative modicité des sommes versées : 42 euros en moyenne par transaction. L’une des premières victimes est le chèque bien que la France fasse figure d’exception culturelle puisque l’hexagone cumule 70% des émissions de la zone euro. Autre victime collatérale : le cash, comme en témoigne la contraction du réseau de guichets automatiques sur le territoire, qui accentue parfois le problème de la désertification des services dans certains territoires (tant ruraux que périurbains).

Les paiements par carte : le rattrapage allemand

Issu du Groupement des Cartes Bancaires, l’observatoire CB se rapproche au plus près de l’évolution de la consommation des ménages à travers l’analyse des paiements CB en France. Malgré leur penchant pour les chèques ou les espèces, la carte bancaire est le moyen de paiement préféré des Français : 60 % de la consommation actuelle des ménages. En 2019, leur nombre a augmenté de 8,8% et de 6,4% en valeur grâce au paiement sans contact (+56,5% et 3,4 milliards de paiements !). Au cours du premier semestre 2020, l’impact du confinement s’est fait sentir : même trajectoire en janvier et février, puis un fort ralentissement en mars (+0,8% par rapport à mars 2019) et en avril (+0,6%).

Les paiements sans contact n’ont pas ralenti avec une augmentation de 29,1% du nombre de transactions. Un succès qui se perçoit également en Allemagne où le cash devrait être détrôné en 2020 par la carte bancaire selon le cabinet britannique Euromonitor International. C’est une « première historique (…) un brusque changement de comportement [des Allemands] pour des raisons d’hygiène ». L’effet Covid-19 a vaincu les réticences (surveillance et traçage des données) dans un pays où le groupe Schwarz (Lidl, Aldi) a refusé le paiement par carte bancaire jusqu’en 2015.

Le cash toujours plus en danger ?

Les règles d’hygiène ne sont pas les seules à conduire à ce changement outre-Rhin.Euromonitor International souligne que les consommateurs allemands font de plus en plus confiance « à la protection de leur vie privée dans l’utilisation des cartes ». Le cabinet d’études estime que les paiements par carte devraient augmenter de 28% sur la période 2019-2025 au détriment du cash qui devrait s’effondrer de 34%. Interrogé par Le Temps en mars dernier, le professeur à l’institut IFZ de l’Université de Lucerne, Andreas Dietrich, expliquait que « la crise actuelle pourrait modifier significativement le comportement des consommateurs. Déjà parce qu’ils sont obligés de le faire – on ne change pas « comme ça » – et ils ont pu se rendre compte de l’aspect pratique et rapide ».

Les chiffres allemands illustrent bien ce point, tout comme l’adoption massive par les Japonais depuis un an après une décision politique, entraînant une éventuelle pénurie de numéros de cartes bancaires. Même son ambiance début septembre, lorsque le journal Les Echos a publié un article au titre évocateur : « Comment les banques centrales préparent-elles la fin du « cash » et l’arrivée des monnaies 2.0 ? ». Parce que les espèces et les cartes physiques ou dématérialisées doivent être attaquées par les monnaies numériques et autres cryptomonnaies. Un problème sur lequel les banques centrales travaillent et que certains pays émergents résolvent déjà.

Va-t-on vers une société sans cash au profit des cartes bancaires ? La réponse est forcément plus complexe quand on voit que la Suède est de retour. D’une part, une étude de la BCE montre que les personnes n’ayant pas accès à une carte de crédit peuvent représenter jusqu’à 10 % de la population dans certains pays. Le cash est alors la seule solution de paiement. Son abandon signifierait l’exclusion de cette population du système. En revanche, la carte bancaire n’est pas à l’abri d’être court-circuitée par les moyens de paiement dématérialisés, comme cela se passe en Chine où AliPay et WeChat Pay testent déjà le paiement par reconnaissance faciale.

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