En 2022 la banque en ligne ING jette l’éponge
Dans son communiqué du 21 décembre, la banque en ligne ING annonce la fin de son activité de banque de détail en France à partir de 2022. Malmené par le contexte économique et concurrentiel, l’établissement arrête la casse, après 20 ans de déficit. Chronique d’une fin annoncée.
ING : nécrologie
Avec cet ultime clap de fin annoncé pour 2022, le secteur de la banque en ligne perd un acteur historique. L’établissement néerlandais est entré sur le marché français en 2000, naviguant dans la démocratisation d’Internet. Grâce à sa position de pionnier, ING a été le fer de lance pour dépoussiérer un secteur bancaire ancré dans son inertie.
La banque en ligne doit son succès commercial à son livret d’épargne Orange, qui offrait des rendements très attractifs. Elle divise alors ses activités en trois pôles : banque, assurance et gestion d’actifs. En 2004, son offre se renforce avec l’assurance-vie qui devient trois ans plus tard le produit phare de sa catégorie.
L’établissement bancaire parvient à conquérir un million de clients, bien devant ses concurrents. Ce chiffre est dopé par la possibilité, en 2009, de contracter un compte courant, et deux ans plus tard une solution hypothécaire. La stratégie est double : équiper ses clients de produits bancaires rentables et les fidéliser, lorsque la concurrence devient féroce, tout au long des années 2010.
Cependant, malgré les efforts de co-construction de l’offre avec son public et la tenue d’un forum communautaire dynamique, ING ne gagne pas d’argent. Après deux décennies d’activité, les dirigeants de la banque en ligne constatent que leur modèle économique se retrouve dans une impasse. Malgré une dernière tentative de révision de son offre en 2019, la revue stratégique, en vigueur depuis juin 2021, annonce son arrêt et marque la fin de l’aventure de son activité de banque de détail en France.
Pourquoi ING France arrête-t-elle ses activités de banque de détail ?
La multiplication des acteurs sur le marché de la banque mobile n’a pas permis à ING de se développer suffisamment pour survivre. Déjà en 2017, un plan de restructuration avait entraîné la fermeture des deux cafés ING Direct, situés à Paris et à Lyon. Le pari d’attirer le public dans des lieux physiques était une innovation qui n’a pas fonctionné, faute de fréquentation. Déjà, à l’époque, cette mesure avait entraîné la suppression d’une quarantaine de postes.
Mais la concurrence n’a fait que s’intensifier. L’arrivée en nombre de banques mobiles européennes telles que Revolut ou N26 a détourné les jeunes citadins, connectés à leur smartphone. L’accès aux applications bancaires mobiles et leurs fonctionnalités permises par la nouvelle réglementation européenne sur les paiements (DSP2), notamment l’agrégation de comptes, ont rendu obsolètes les sites web et les desktops.
Chaque grand groupe bancaire a également beaucoup investi dans son poulain. Et certains se sont lancés dans une course effrénée à l’acquisition de clients. Les offres gratuites, les bonus de bienvenue, les systèmes de parrainage et les frais améliorés ont augmenté les coûts, rendant les modèles commerciaux un peu plus rentables. Fortuneo et surtout Boursorama Banque ont été particulièrement actifs. Cette course haletante s’est terminée avec quelques participants essoufflés, jusqu’à l’abandon.
Dans le même temps, l’environnement de taux d’intérêt bas et la politique accommodante de la banque centrale ont réduit les marges des banques. La réglementation n’a cessé de se durcir. C’est l’effet ciseau : moins de revenus d’un côté et plus de dépenses d’acquisitions de l’autre. Malgré un fort repositionnement vers le qualitatif versus le quantitatif, la viabilité de l’établissement a logiquement fini par être remise en cause.
Emplois, reprise : les annonces d’ING France
Le communiqué de presse du 21 décembre 2021 vient donc mettre fin à une lente agonie. Laconique, mais directe en référence à son ancien nom (ING Direct), ING annonce « se retirer du marché de la banque en ligne en France ». C’est la conclusion de la revue stratégique, entamée en juin dernier. En revanche, la banque en ligne maintient son activité de financement et d’investissement (Wholesale Banking) dans le but de « consolider sa position sur le marché et sa position de banque de référence en matière de finance durable ».
Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) fait état de 460 suppressions de postes sur 700 dans la branche française. Un accord a d’ores et déjà été trouvé avec les instances représentatives de l’instance syndicale. Le PSE doit désormais être validé par la Direction Régionale et Interdépartementale de l’Economie, de l’Emploi, du Travail et de la Solidarité (DRIEETS).
Une procédure de cession du portefeuille d’un million de clients est en cours. Certains concurrents ont exprimé leur point de vue sur l’éventuelle acquisition de l’activité ING France. Crédit Mutuel Alliance Fédérale, qui détient Monabanq via Cofidis, a examiné le dossier sans faire d’offre. La fédération rebelle, Crédit Mutuel Arkéa, a demandé une fusion avec sa banque en ligne Fortuneo.
Mais c’est Boursorama Banque, filiale de la Société Générale, qui semble regarder le dossier avec appétit. La banque en ligne est leader du marché, avec plus de trois millions de clients (dont 90 000 nouveaux rien qu’en novembre 2021 et 700 000 dans l’année !). Interrogé par la Tribune sur une éventuelle acquisition, Frédéric Oudéa, directeur général de la Société Générale, a répondu : « Aucun commentaire, si ce n’est que Boursorama va probablement reconquérir, quelle que soit l’issue de cette affaire, les clients ! ». Des clients qui se ressemblent, car plus dotés en produits bancaires, donc moins volatils.
Quel avenir pour les clients d’ING France ?
Dans son communiqué, la banque en ligne rappelle que les clients « continuent de bénéficier des services bancaires en ligne habituels. Les clients et partenaires seront informés individuellement avant toute modification des produits et services. Les clients ne doivent pas trop s’inquiéter, dans le sens où la transaction n’est ni une liquidation ni une faillite.
Devant le micro de BFM Business, Michel Guillard, président de l’association France Conso Banque, rassure, mais précise : « il n’y a pas de problème de solvabilité (…) Pour les clients actuels qui s’interrogent, rien ne change tant que l’affaire n’est pas conclue. Alors la sauce dans laquelle ils seront mangés diffère à chaque fois, cela fait partie des conditions de reprise. Pour le moment, nous ne savons pas trop quoi dire à ces clients. »
Ainsi, des doutes surgissent quant au maintien des conditions des offres actuellement souscrites. Les clients devront donc choisir entre rester auprès de la banque en ligne qui les récupère, ou retirer leur capital pour aller chez un autre concurrent. Mais attention, car tous les produits bancaires ne sont pas transférables (Livret A, livret développement durable, livret d’épargne populaire, assurance-vie). Le client doit d’abord fermer ces comptes pour pouvoir les ouvrir ailleurs.
Quant à la transmission des produits éligibles (plan épargne patrimoine, plan épargne retraite populaire, plan épargne logement, compte épargne logement), leur transmission entraîne des frais. Enfin, les conditions des livrets bancaires des établissements ne sont pas forcément retranscrites dans un livret bancaire d’une autre marque. Par conséquent, les clients doivent prendre leurs problèmes avec patience, afin d’agir selon les futures modalités spécifiques de reprise. En attendant, vous pouvez déjà comparer les banques en ligne pour éventuellement transférer votre argent au bon moment.
En tout cas, ce stock d’un million de clients est un trésor pour les établissements de la concurrence. Et le coffre-fort est à vendre. Mieux équipés, plus habitués au mobile banking, ces prospects qualifiés sont plus matures et plus fidèles. Autant de fonctionnalités vitales pour les joueurs qui essaient encore d’atteindre le seuil de rentabilité. Un niveau qu’ING n’a jamais pu atteindre après deux décennies.