La banque mobile Revolut collecte 676 millions d’euros pour une valorisation record
Neobank Revolut annonce une nouvelle levée de fonds auprès de SoftBank et Tiger Global Management. Toujours pas rentable, le mobile banking continue de se développer, s’attaquant à de nouveaux marchés et élargissant son offre pour se muer en une super application.
Revolut toise les plus grands groupes bancaires
Rien ne semble pouvoir arrêter la marche triomphale de la banque en ligne Revolut. Le 17 avril, Skynews révélait l’intention de la néobanque britannique de lever de nouveaux fonds durant l’été. Les projections indiquaient alors que la valorisation de Revolut atteindrait 10 milliards de dollars. Conseillé par la banque d’affaires américaine FT Partners, le pure player a fait mieux.
Lancé en 2015, l’établissement a bouclé un tour de table de 800 millions de dollars (676 millions d’euros). En six ans d’existence, sa valorisation s’élève à 33 milliards de dollars (28 milliards d’euros). Les investisseurs présents pour cette série E sont bien connus du sérail : Vison Fund de SoftBank, déjà actionnaire d’eToro ou de Klarna, et Tiger Global Management, financier de Coinbase ou Nubank.
Revolut compte 16 millions de clients dans le monde, dont 1 million en France. Les services bancaires mobiles enregistrent plus de 150 millions de transactions chaque mois. L’établissement avait également réussi à lever 500 millions de dollars en février 2020 (série D), notamment pour entrer sur le marché américain.
Désormais, sa valorisation six fois plus élevée la positionne comme la technologie la plus puissante du Royaume-Uni. Comparativement, Revolut pèse autant que les géants britanniques NatWest (ex-RBS, 23,5 milliards de livres sterling) et Lloyds Banking Group (33 milliards de livres sterling). Elle dépasse d’un tiers la capitalisation boursière de Société Générale et est générée dans les mêmes eaux que Deutsche Bank.
Le monde numérique : ce chamboule-tout du secteur bancaire
Revolut illustre le scénario du passage de l’ancien au nouveau monde. Un changement toutefois à nuancer. Il est vrai que les banques traditionnelles souffrent de l’inertie de leur structure (réseaux d’agences physiques, nombre d’employés, lourdeur des systèmes informatiques). L’environnement économique et réglementaire continue, d’une part, de réduire sa marge sur crédits et, d’autre part, d’augmenter les coûts de sûreté.
Au contraire, les banques digitales misent sur des prix agressifs et des services disruptifs via leur application mobile. L’expérience client est travaillée et il pleut des fonctionnalités innovantes qui répondent aux attentes et comportements des utilisateurs. Ainsi, la pandémie n’a fait que renforcer et amplifier de nouvelles habitudes : gestion en ligne, temps réel, paiement mobile, virements instantanés, etc.
Revolut exploite très bien ce créneau, offrant une variété de services tels que les transferts d’argent en devises à faible coût, le négoce de matières premières et les crypto-monnaies. La néobanque a généré des revenus grâce à ses services de courtage, de gestion de patrimoine et aux entreprises.
Et Revolut poursuit sa transformation pour devenir une super-appli, annonçant son lancement dans le voyage (réservation de chambres), le transport (réservation de vols, de trains et de voitures de location) et le cashback (jusqu’à 10%). Une stratégie qui consiste à construire un écosystème autour du paiement, comme Paypal ou les Gafam.
Rentabilité, gestion de croissance, réglementation : un horizon pas toujours bleu
Si ce n’est pas la priorité en ce moment, Revolut doit atteindre le seuil de rentabilité. Comment ou quoi ? Elargir son offre de produits bancaires rentables (épargne, crédit, assurance, bourse) et s’ouvrir à des marchés géants (Etats-Unis, Inde, Japon, Australie). Car malgré une croissance du chiffre d’affaires 2020 de +57% (261 M£), Revolut affiche une perte d’exploitation de 122 M£.
La néobanque britannique a subi une baisse des revenus des paiements et transferts d’argent internationaux après la pandémie. Les investissements restent également conséquents, notamment pour respecter la maîtrise des risques, imposée par la réglementation européenne. En mars 2019, le Telegraph révélait que le gendarme financier d’outre-Manche avait enquêté sur les carences des procédures de contrôle.
Autre mauvais signe : une série de démissions qui illustrent une culture d’entreprise qui intimide ses salariés. Depuis, Revolut semble avoir digéré la mauvaise gestion de cette croissance exponentielle, installant l’expérimenté Martin Gilbert à la tête de son conseil d’administration. La pandémie aura aussi été une période fertile pour entendre les doléances des 2 000 salariés. L’analyse d’enquêtes et d’enquêtes internes a permis de mettre en place des mesures pour rendre le télétravail plus flexible et plus agréable.
Pour le fondateur et PDG de Revolut, Nikolay Stovonsky, l’objectif n’a pas changé : conquérir 100 millions d’utilisateurs dans les années à venir. Le patron, inspiré des modèles de super applis Alipay et WeChat Pay, peut utiliser ce nouvel abonnement pour se rapprocher de ses objectifs ambitieux. D’autant que la néobanque peut compter sur le redressement de sa rentabilité au dernier trimestre 2020, et sur un bond de 130% de ses revenus au premier trimestre 2021.