La banque pour les pros : un marché porteur qui attire les gros investisseurs
La levée de fonds record de Qonto, annoncée en début d’année, invite à se pencher sur le marché des néobanques pour les professionnels, mais aussi sur l’intérêt des investisseurs pour les Fintech. Et notamment la présence active du chinois Tencent.
Qonto veut devenir une vraie banque
104 millions d’euros, c’est la collecte XXL réalisée par la néobanque Qonto début 2020. C’est même tout simplement un record dans le monde des Fintechs, dépassant les 72 millions d’euros levés, en 2019, par Wynd, une Fintech spécialisée dans les paiements. Ce troisième tour de table depuis 2016 porte les montants investis dans Qonto à 136 millions d’euros.
L’argent frais devrait servir à doubler le nombre de clients en 2020 (65 000 clients), à accompagner le déploiement de l’offre sur de nouveaux marchés (Italie, Espagne, Allemagne), à renforcer les équipes (passer de 200 à 300 collaborateurs), à réaliser le développement de logiciels, et d’élargir les produits et services offerts aux entreprises. Car la singularité de la néobanque Qonto est de concentrer son offre sur les entrepreneurs.
La prochaine étape attendue est d’obtenir l’agrément bancaire de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour devenir un établissement de crédit. Il faut notamment répondre à l’exigence de capital requise, alors, comme le souligne le co-fondateur Alexandre Prot, « pour répondre aux besoins de découvert de nos clients, leur proposer une carte à débit différé ou des lignes de crédit pour qu’ils puissent acheter un van par exemple, ou la rénovation d’un restaurant ».
La clientèle professionnelle : terrain de conquête
S’attaquer au marché des professions libérales, TPE et PME est une stratégie payante, avec l’évolution des méthodes de travail. L’Insee a enregistré 815 300 créations d’entreprises l’an dernier (+18 % en un an). L’âge moyen des créateurs d’entreprise est d’environ 36 ans, dont 38% ont moins de 30 ans. Des chiffres qui font écho à Qonto, où les jeunes entrepreneurs représentent 30% de la clientèle, séduits par la transparence des prix et les fonctionnalités qui facilitent votre quotidien.
Cependant, les banques ont eu tendance à délaisser la clientèle des TPE et PME, plus lucrative que celle des particuliers. Logique puisque les chefs d’entreprise sont prêts à payer plus de services pour la gestion de leur entreprise et ainsi augmenter la productivité. Selon une étude réalisée par Exton Consulting, le produit net bancaire d’un client professionnel est de 2 500 euros contre 500 euros pour un client particulier.
Et cette zone de conquête du marché entrepreneurial ouvre la porte à de nouveaux acteurs. Parmi les Fintech dédiées aux professionnels, on peut citer Anytime, manager.one, Shine, Bunq, en attendant Margo Bank. Il faut ajouter les solutions pour les néobanques pro N26 et Revolut, la banque en ligne Boursorama Banque (Boursorama Pro) ou encore la prochaine Prismea appartenant au Crédit du Nord.
Tencent, un investisseur qui vous veut du bien
Pour prospérer, les néobanques pour professionnels ont besoin d’investisseurs de confiance. L’exemple Qonto donne une idée de qui finance leurs projets. Et maintenant, le chinois Tencent (la société mère de l’application WeChat avec un milliard d’utilisateurs) attire automatiquement l’attention. En France, Tencent vient de contribuer à la levée de fonds pour Qonto et l’application de paiement mobile Lydia (40 millions d’euros).
Interrogé par Les Echos, Mikaël Ptachek, qui dirige l’Observatoire des Fintech, décrypte : « Au sein des BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), Tencent est celui qui a fait le plus d’investissements dans les services financiers depuis cinq ans, avec 27 investissements de 48″. Tencent est déjà présent dans N26 ou Nubank au Brésil. Comparativement, les Gafa ont réalisé 15 investissements dans ce même secteur.
Pour Tencent, l’objectif à court terme est de mieux comprendre le secteur, mais aussi les différents environnements réglementaires. Plus pragmatiquement, c’est aussi l’opportunité d’acquérir des compétences technologiques, d’accéder à de nouvelles bases de données et d’élargir sa gamme de services, notamment pour les clients chinois en déplacement à l’étranger. Pour Stéphane Dehaies, partenaire banque et fintech chez KPMG, la prochaine étape est une « vision encore plus intégrée » qui ajoute la billetterie et les programmes de fidélité aux solutions de paiement mobile.
Dans ce marché des néobanques pour professionnels, les Lunettes chinoises ne sont évidemment pas les seules à investir. Qonto a pu compter sur le soutien de DST Global (présent au capital de Facebook, Spotify ou Airbnb) et des historiques (Peter Thiel, Valar, Alven). Cette présence d’investisseurs avertis et réputés démontre la dynamique d’un marché porteur.