Surchauffe pour le crédit immobilier

Les taux immobiliers restent toujours aussi bas, les volumes de production de crédit toujours aussi élevés : alors que les autorités invitent les banques à durcir les conditions de concession, rien n’y fait. La machine continue de tourner à plein régime.

Crédit immo : les chiffres de l’emballement

258 milliards d’euros, c’est la production de crédits immobiliers en 2019, selon les chiffres publiés par la Banque de France. Un montant qui se situe juste en dessous du record établi en 2017 (273 000 millions d’euros). Ainsi, la production de crédits immobiliers a augmenté de 21% par rapport à 2018. L’encours net de la dette atteint 61 500 millions d’euros en 2019. L’encours global de la dette dépasse le précédent record, s’établissant à 1 078 millions d’euros. En une décennie, l’augmentation des encours a augmenté de 63 % (soit 400 milliards d’euros).

Pourtant, le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) a rendu ses recommandations en décembre dernier. L’objectif était de calmer la machine en imposant aux banques de mieux respecter le taux d’effort de 33% et d’arrêter de prêter dans un délai de plus de 25 ans. Par la voix de l’Observatoire du crédit aux ménages, les banques ont fait passer le message que l’application de telles recommandations conduirait à la sortie de 100 000 ménages du crédit immobilier en 2020.

Les banques mutualistes au taquet

Il est difficile de juger de l’impact des recommandations, puisqu’elles ne sont entrées en vigueur qu’à partir de janvier. Un rapport de suivi est prévu, ainsi que l’établissement d’un rapport qui observe l’évolution de la production, établissement par établissement. Le point de transition interviendra en juin prochain, les autorités menaçant les banques de resserrer les restrictions de capital si la production de prêts hypothécaires se poursuit à un rythme déraisonnable. Cependant, les taux bas et la concurrence entre les prêteurs sont des carburants précieux.

Pour les banques, le crédit immobilier est le leader des sinistres par excellence, doublé d’un outil de fidélisation. Sans surprise, toutes les banques en ligne ont fini par le proposer, comme Monabanq en novembre dernier. Ainsi, les banques mutualistes sont à l’attaque. Le Crédit Agricole et le groupe BPCE affichent une hausse de 8,1% de leurs encours de crédits aux particuliers (chiffres à la fin du troisième trimestre 2019). Société Générale, Banque Postale et BNP Paribas étaient plus proches de 5 %.

Les dangers d’une telle surchauffe

Les banques se défendent en arguant qu’elles ne répondent qu’à la demande. Attirés par des taux d’intérêt particulièrement attractifs (1,17% en moyenne en 2019), des millions de ménages cherchent à financer l’achat de leur résidence principale (ou à le renégocier). Le crédit a également été ouvert à des publics qui, jusqu’à présent, avaient vu leur demande entravée. Conséquences : la hausse des prix de l’immobilier, et le risque de formation d’une bulle, et l’augmentation de l’endettement des Français.

Pour autant, la politique accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) invite logiquement les banques à prêter à 1% au lieu de déposer leur excédent de liquidité dans les caisses de l’institution à -0,5%. Et les banques d’être moins prudentes avec l’octroi des crédits, la réduction des taux proposés et la solvabilité de leurs clients. Le risque, comme l’explique Elsa Conesa dans Les Echos : charger « leurs bilans de milliards d’euros de crédits à la solvabilité incertaine, aux marges très faibles, et pour longtemps ». D’où l’alerte donnée par le HCSF, avec rappel à l’ordre, si nécessaire, en juin prochain.

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